Il y a un mois de cela, Factornews faisait une preview d’un jeu
étrange, sorti de nulle part et développé par un petit studio
indépendant :
The Path. Revisite profondément macabre
du conte de Perrault, sobre mélange de jeu vidéo expérience et d’art,
il suffisait de lire les mots du rédacteur (ClémentXVII) pour le sentir
profondément marqué par le jeu qu’il venait de finir.
The Path dès ses premiers instants nous introduit à une famille de
six jeunes filles dans un salon. Chacune a une silhouette particulière,
un style et une personnalité qui fait de chacune d’elles un personnage
unique.
Le principe du jeu est simple, choisir l’une de ces six filles et lui
faire apporter un panier à la maison de mère-grand. Le chemin fait une
petite dizaine de mètres, en quelques instants vous y serez et
retrouverez votre grand-mère faisant sa sieste dans son lit à l’étage,
près de son loup empaillé. Vous vous coucherez à ses côtés, et tout ira
pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Oh bien sûr vous aurez fini le jeu, mais cela vaut-il le coup ?
Alors qu’il serait si tentant de pénétrer dans la forêt qui encercle le
chemin ? Après tout s’il est interdit d’y entrer, qui sait les
merveilles qu’elle regorge ?
Le jeu part du constat que vous trahirez la seule règle qui vous
sera jamais imposée. Et dès l’instant où vous franchirez la lisière de
la forêt, il n’y a plus de retour en arrière ; le temps de faire
quelque pas et le chemin derrière vous aura disparu à jamais. Il n’y a
aucun moyen de retrouver le chemin une fois que l’on a décidé d’aller
dans la forêt. Et tout comme dans le conte, y faire pénétrer une des
six filles scellera définitivement son sort. Concrètement dès les
premiers instants du jeu vous avez déjà du sang sur les mains —
simplement, vous ne le savez pas encore.
La forêt en elle-même est construite et pensée comme l’a sans doute
été la ville de Silent Hill — c’est un vaste amas chaotique de mystère,
d’angoisse et d’irréel dans lequel vous rencontrerez des objets, des
personnages, qui peu à peu reconstitueront l’histoire et le passé du
personnage. Il n’y a pas de but réel, c’est véritablement un jeu qui se
vit comme une expérience. Vous arpenterez cette forêt qui n’a pas de
fin et petit à petit, au fil des objets que votre personnage
retrouvera, au fil des commentaires qu’elle fera, vous vous attacherez
à la fille que vous aurez choisi.
Un élan d’affection qui ne fera que rendre plus difficile le fait de
l’amener à sa mort. Car il n’y a pas d’échappatoire, inéluctablement à
force de vous enfoncer dans les méandres du bois sombre, vous
rencontrerez votre Loup. Et je ne parle pas là d’un animal poilu à
quatre pattes, je parle là d’une rencontre, d’un évènement, qui
marquera le point final de la vie du personnage.
N’ayez aucune crainte, lorsque vous le rencontrerez vous le saurez au
premier coup d’œil. L’ambiance sonore du jeu – déjà très malsaine par
nature – se muera en quelques secondes en un mélange de grognements
rauques, de grincements métalliques et de gémissements. Tant
d’avertissements qui vous mettent en garde sur la nature de ce qui vous
attend si vous allez plus loin.
Seulement y a-t-il réellement d’autre choix ? Vous ne retrouverez
jamais le chemin de votre maison, c’est indéniable ; votre destin c’est
votre Loup et quoi que vous fassiez vous retomberez éternellement
dessus en marchant jusqu’à ce que vous vous décidiez à tuer votre
personnage.
Et je ne parle pas d’une crise cardiaque… le pire que vous pouviez
imaginer en pensant à une fille perdue dans les bois, les développeurs
y ont pensé aussi. Il n’y a aucune limite à l’horreur du destin vers
lequel vous irez, et croyez-moi quand je dis que mener une petite fille
vers son viol et sa mort est plus dur que de lui faire traverser une
infinie forêt sombre.
Lorsque vous serez littéralement tombé dans la gueule du loup, il y
aura un fondu noir et sans réellement savoir comment, vous vous
retrouverez sur le chemin de votre grand-mère, évanouie au sol, sous
une pluie battante. Fébrilement vous pénètrerez dans sa maison mais dès
les premiers pas vous savez que rien n’est plus comme avant. Remodelée
sous les traits d’un enfer sur terre, la maison ne ressemblera plus
guère qu’à un ultime cauchemar de votre personnage avant son dernier
souffle.
Oh, vous trouverez la chambre de votre mère-grand, mais ce que vous y trouverez est à cent lieues de ce que vous y cherchiez.
Le jeu se termine lorsque les six petites filles sont mortes.
Très empreint de l’ambiance distordue d’un American McGee’s Alice,
The Path est un jeu qui joue énormément avec vos sentiments, votre
imagination, et votre conscience. On ne comprend pas toujours tout du
premier coup, le jeu restant toujours assez vague pour mieux nous
embrouiller, et il faudra attendre d’avoir tué les six filles pour
avoir une vue d’ensemble et une compréhension précise des choses.
Au niveau de la forêt, tout est fait pour que vous vous y perdiez.
Tant que vous marchez et prêtez attention aux choses, tout va bien,
mais dès que vous commencez à courir la caméra bascule lentement et
s’assombrit encore et encore jusqu’à ce que seule la silhouette de
votre personnage courant soit distinguable. Lorsque vous arrêterez de
courir, vous relèverez la tête et croyez-moi, le sentiment de
désorientation est magistral. D’autant qu’il n’y a pas de carte ou de
mini-map, seul un léger schéma de votre parcours apparaîtra
aléatoirement en surimpression sur l’écran, l’espace de quelques
instants.
Votre seul guide sera cette petite fille en blanc qui cours, joue et
rit au beau milieu de l’enfer que vous traversez. Elle ne vous voit
pas, ne parle pas, tout ce qu’elle fait c’est courir encore et toujours
plus profond vers le cœur de la forêt… et vous comme un con vous la
suivrez, parce que c’est le seul repère que vous aurez.
Vous trouverez bien au détour de votre marche des fleurs métalliques
au sol, qui si vous en ramassez assez vous aiguilleront. Mais pour les
trouver il faudra accepter en premier lieu de s’attarder sur chaque
recoin de la forêt — elle disparaissent dans l’obscurité lorsque vous
courrez. Le seul moyen de les voir c’est de s’arrêter de chercher dans
la brume quelque chose qui scintillerait.
Il ne vous faudra guère longtemps pour finir entièrement The Path,
et ce n’est pas un jeu que vous recommencerez encore et encore.
Concrètement, dans la manière dont il a été conçu, dans la pensée
artistique qu’il contient, The Path a autant de portée qu’un livre ou
un film, et comme ces derniers il se vit telle une expérience unique
qui vous marque.
C’est ce même côté expérience qui m’a fait hésiter à vous en parler. Il
y a une telle importance du côté personnel que l’avis variera
énormément selon les gens. Certains y joueront cinq minutes, s’y feront
chier et retourneront sur COD4, d’autres seront happés par ce qu’ils
sont en train de faire et continueront jusqu’à voir le fin mot de
l’histoire.
Le jeu est en promo ce week-end sur Steam, disponible sur le site du développeur (Tale of Tales), ou en téléchargement illégal sur des sites de TORRENT. Le choix est vôtre.